Créer un site internet

La fileuse

La fileuse

Assise, la fileuse au bleu de la croisée

Où le jardin mélodieux se dodeline ;

Le rouet ancien qui ronfle l’a grisée.

22

Lasse, ayant bu l’azur, de filer la câline

Chevelure, à ses doigts si faibles évasive,

Elle songe, et sa tête petite s’incline.

22

Un arbuste et l’air pur font une source vive

Qui, suspendue au jour, délicieuse arrose

De ses pertes de fleurs le jardin de l’oisive.

22

Une tige, où le vent vagabond se repose,

Courbe le salut vain de sa grâce étoilée,

Dédiant magnifique, au vieux rouet, sa rose.

22

Mais la dormeuse file une laine isolée ;

Mystérieusement l’ombre frêle se tresse

Au fil de ses doigts longs et qui dorment, filée.

22

Le songe se dévide avec une paresse

Angélique, et sans cesse, au doux fuseau crédule,

La chevelure ondule au gré de la caresse...

22

Derrière tant de fleurs, l’azur se dissimule,

Fileuse de feuillage et de lumière ceinte :

Tout le ciel vert se meurt. Le dernier arbre brûle.

22

Ta sœur, la grande rose où sourit une sainte,

Parfume ton front vague au vent de son haleine

Innocente, et tu crois languir... Tu es éteinte

22

Au bleu de la croisée où tu filais la laine.

22

Paul Valéry

 

Date de dernière mise à jour : 31/01/2025

Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire

Anti-spam